Résultat de cette situation intenable : des équipes pédagogiques sont parfois conduites, à conseiller aux élèves en difficulté une orientation vers la voie professionnelle ou à imposer une orientation vers la voie technologique en « espérant » que la famille refusera, et demandera alors le redoublement de la seconde GT. Ainsi, cette mesure conduit à :
l’adoption par les personnels de stratégies qu’ils réprouvent déontologiquement, mais qui leur apparaissent comme le seul moyen d’ empêcher que des élèves soient envoyés vers un échec certain ;
renforcer de manière cynique les hiérarchies entre voies et séries, les voies technologique et professionnelle apparaissant encore plus comme une « punition » destinée aux élèves les plus fragiles. Belle revalorisation de ces voies de formation !
A savoir :
l’article 27 du décret stipule néanmoins qu’ « à titre exceptionnel, un redoublement peut être mis en œuvre pour pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires. Il intervient avec l’accord écrit des représentants légaux de l’élève ou de l’élève lui-même, lorsque ce dernier est majeur, après que le conseil de classe s’est prononcé et à la suite d’une phase de dialogue avec le chef d’établissement ».
« Pour les élèves des classes de troisième et de seconde, lorsque la décision d’orientation définitive n’obtient pas l’assentiment des représentants légaux de l’élève ou de l’élève majeur, ceux-ci peuvent demander le maintien dans le niveau de classe d’origine, conformément aux dispositions de l’article D. 341-15. »
Pour le Snes-FSU, le redoublement n’est ni une solution magique aux difficultés scolaires, ni une pratique coupable de tous les maux. Il ne faut ni le fétichiser, ni le rejeter par principe – et on peut s’inquiéter de certaines conséquences possibles de cette quasi-interdiction. Les contempteurs du redoublement expliquent que celui-ci ne sert à rien pour régler les problèmes d’apprentissage ; mais la quasi-disparition de fait du redoublement en collège, depuis plusieurs années, n’a pas correspondu à une amélioration des résultats des élèves. Elle est aussi la conséquence de contrats d’objectifs qui imposent aux collèges d’augmenter prioritairement leur taux de passage en seconde GT. Cette quasi-disparition aboutit donc à un « passage automatique » dont la certitude peut faire croire aux élèves, et notamment à ceux qui sont les plus éloignés des attentes scolaires, que l’échec dans les apprentissages n’est pas rédhibitoire pour "cheminer" dans le système scolaire, et que les exigences des enseignants ne sont pas vraiment fondées. Enfin, donner le « dernier mot » aux familles, c’est supposer qu’elles sont toutes à égalité face au système scolaire, à la fois dans la maîtrise des enjeux de l’orientation, et dans le rapport de forces avec l’institution, ses « conseils », ses « décisions ». Et ce n’est certainement pas le cas.
Le réel enjeu est bien évidemment celui de la réussite des apprentissages scolaires. Mais aucune des récentes réformes n’a permis de donner aux personnels les moyens de l’améliorer. Et ce n’est certainement pas la réforme du collège qui va dans ce sens, puisqu’elle se contente, de ce point de vue, de recycler « l’accompagnement personnalisé » qui a fait les preuves de son inefficacité en lycée depuis 2010.
Mais si le redoublement n’est pas efficace pour remédier aux difficultés accumulées, alors que fait-on à la place ? Pour le Snes-FSU, on pourrait commencer par réinjecter les moyens « économisés » par la suppression du redoublement dans les établissements, afin que les enseignants aient davantage de possibilité de prendre en charge les élèves les plus en difficulté. Ce n’est pas ce choix qui semble avoir été fait, au vu des DHG des lycées pour la rentrée 2017 : vous n’avez pas réussi à 35 en seconde, tentez la première à 35 !
En première, le rectorat va au delà des préconisations du BO avec la mise en place d’une commission qui validera ou non les doublements acceptés par les familles. En d’autres termes, on pourrait interdire aux élèves de doubler ! Les équipes éducatives qui passent du temps à convaincre les familles et les élèves qu’il sera compliqué de rattraper le retard en terminale, apprécieront !