Pour les faire cesser, il faut en parler !
70 % : c’est la part des femmes qui en a déjà parlé (à sa famille, à un.e collègue, à un.e ami.e, à sa hiérarchie, aux ressources humaines...), c’est-à-dire près de trois quarts d’entre elles. Les violences sexistes et sexuelles au travail (VSST) existent et les personnes concernées en parlent. Le reconnaître est une première étape pour les combattre. Et l’action syndicale est un levier incontournable pour les faire cesser.
Dans la fonction publique aussi !
Les VSST sont souvent associées, implicitement, aux emplois du secteur privé, comme si la fonction publique n’était pas concernée. Pourtant, l’enquête « Virage », menée par l’INED en 2015, fait un constat implacable : sur 1000 femmes fonctionnaires, 36 déclarent avoir subi, au cours d’une année, une violence sexuelle sans contact (agressions verbales), contre 37 sur 1000 dans les emplois des secteurs privé et associatif. Les violences sexuelles avec contact (agressions physiques) au cours d’une année, quant à elles, concernent 13 femmes fonctionnaires sur 1000, contre 10 sur 1000 dans le privé et l’associatif. En 2019/2020, le second degré public employait 23 645 femmes enseignantes, CPE, Psy-EN, AED ou AESH dans l’académie de Lille. Proportionnellement, on peut en déduire qu’au cours de cette année, dans le cadre de leur travail, 851 d’entre elles ont subi au moins une violence sexuelle sans contact, et 307 ont subi une violence sexuelle avec contact. Être fonctionnaire n’est pas une protection contre la violence au travail !
Les "VSST", c’est quoi ?
La violence est une relation de pouvoir sans consentement exercée sur une personne qui la subit et qui porte atteinte à son intégrité et/ou à sa dignité. Elle peut prendre des formes physiques ou psychiques, employer la force et la contrainte, la menace, ou s’imposer par certains propos sans que l’autre ne puisse y échapper. Elle est « sexiste » si elle vise l’autre personne en raison de son sexe, elle est « sexuelle » si elle concerne les caractéristiques sexuelles de la personne, et/ou renvoie à la sexualité. Dans le cadre du travail, on va parler d’agissement sexiste, de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle et de viol. Ces mots permettent de qualifier précisément ces violences, au regard du code pénal et du code du travail. Ne pas banaliser ces situations est important : on entend parfois qu’il serait difficile de faire la part des choses entre la drague et le harcèlement : c’est le fameux « on ne peut plus rien dire » qui fait fureur depuis la vague #MeToo de 2017. Or, il n’y a pas de zone floue ou de zone grise. Oui, on peut toujours draguer un.e collègue, lui proposer d’aller boire un verre. Mais à partir du moment où la personne ignore ou refuse une première fois l’invitation, le fait d’insister revient à nier l’importance de son consentement, c’est-à-dire à nier sa dignité. Cela relève donc du harcèlement. Certains s’interrogent aussi sur la différence entre la « blague » et les remarques ou blagues sexistes. Le code du travail (article L1142-2-1) et le statut de la Fonction publique (article 6bis de la loi de 1983) apportent des réponses précises : « aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». La jurisprudence précise que l’intention de l’auteur n’est pas l’angle à retenir mais bien le ressenti du, de la ou des destinataires ou des personnes qui entendent ces propos même s’ils ne font pas l’objet de la « plaisanterie ». Ainsi la jurisprudence reconnaît désormais la notion de « harcèlement d’ambiance ou environnemental ». Les propos sexistes, racistes, homophobes, sont tout simplement interdits que ce soit sur le lieu de travail ou ailleurs !
Les obligations de l’employeur
L’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements violents au travail, il doit réagir rapidement afin de protéger et mettre à l’abri la victime. Il est responsable de la santé et de la sécurité de son personnel et le harcèlement sexuel notamment fait partie des risques dont l’employeur peut être tenu pour responsable. L’employeur n’a certainement pas à remettre en question le signalement de la personne, même si les propos tenus sont évasifs, il faut les prendre au sérieux. Il y a obligation légale d’agir. Par ailleurs, la loi protège les personnes qui
ont rapporté des faits de harcèlement, victimes comme témoins, contre toute mesure de représailles. Le Défenseur des droits a publié une décision-cadre sur les préconisations à suivre pour mettre en place une procédure d’alerte respectueuse des droits des parties prenantes (Décision MLD 2015-151 du 02/07/2015) :
– Accompagner et protéger la victime en mettant en place des mesures conservatoires. Notons que ce n’est pas nécessairement à la victime de se déplacer (mise en congé, changement de poste, mobilité géographique, etc.), sauf si elle le demande ;
– Enquêter rigoureusement et rapidement en cas de suspicion ;
– Mettre en place des sanctions disciplinaires à l’égard du salarié reconnu auteur de harcèlement sexuel (pour sanctionner un auteur de harcèlement, le licenciement pour faute est insuffisamment utilisé par les employeurs, qui privilégient, à tort, l’avertissement, la mise à pied ou encore la mutation).
Dans notre cas, cette obligation pèse sur le ministère de l’Éducation nationale et ses représentants locaux. Mais force est de constater que le MEN ne se préoccupe pas vraiment de cet enjeu, et n’impulse pas de politiques à la hauteur du problème. Il n’a toujours pas déployé de cellule d’écoute nationale, les hiérarchies locales ne sont toujours pas formées et il est souvent difficile, pour une femme qui subit des violences dans son travail d’interpeller son employeur et d’obtenir de sa part les mesures qui devraient s’imposer.
L’action du SNES-FSU
Le SNES-FSU intervient par exemple dans les instances officielles pour exiger des politiques volontaristes et préventives sur ce sujet. Le plan national d’action pour l’égalité professionnelle prévoit le déploiement académique d’une cellule d’écoute, de recueil et de traitements de ces situations. La FSU suit les travaux dans le cadre du CHSCT afin que le dispositif mis en place par l’employeur soit à même de faire cesser ces actes. Par ailleurs, le SNES et la FSU co-construisent les mobilisations. Sur Lille, ils se sont mobilisés avec le collectif #NousToutes lors de la marche du 21 novembre pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles. La mobilisatio a rassemblé près de 2000 manifestant.e.s !
Enfin, depuis cette rentrée 2021, la section académique de Lille a aussi mis en place une permanence « violences sexistes et sexuelles ». Si vous avez été victime d’agissements violents à caractère sexiste et/ou sexuel, vous pouvez contacter le Snes-FSU. Des militant.e.s formé.e.s à ces questions vous accompagneront pour vous aider à interpeller l’employeur, afin d’engager les démarches nécessaires pour faire cesser ces violences.
Pour prendre rendez-vous ou nous contacter tout au long de l’année : [email protected]