L’académie de Lille expérimente depuis la rentrée 2021 divers dispositifs qui s’inscrivent dans la politique ministérielle de « développement de la mixité sociale » à l’école. Par exemple, des dérogations plus nombreuses ont été accordées à des élèves boursiers, issus de quartiers défavorisés, pour accéder à des lycées au recrutement socialement favorisé – ces derniers recevant une dotation supplémentaire pour l’accueil de ces élèves (une vingtaine sur toute l’académie…). Si la mixité sociale est un objectif consensuel, les dispositifs du ministère sont en réalité très discutables. Il s’agit d’abord d’envoyer davantage d’élèves boursiers dans les établissements socialement favorisés (privé exclu...). Passons sur la violence sociale que peuvent ressentir ces élèves, désormais séparés de leurs anciens camarades. Que se passera-t-il si tous les boursiers d’un établissement demandent à partir ?
Les dérogations se font dans la limite des capacités d’accueil : va-t-on trier les demandes sur la base des résultats scolaires ? Ne va-t-on pas alors vider les établissements défavorisés de leurs meilleurs élèves ? Ne diffuse-t-on pas l’idée selon laquelle pour réussir, il faut fuir les établissements défavorisés, en générant ainsi défiance et frustrations ?
Le ministère prévoit néanmoins d’accorder davantage de moyens aux établissements défavorisés. Mais l’expérience montre déjà que cela se fait à moyens globaux au mieux constants : on saupoudre ici en dégradant là… Le ministère promeut aussi la mise en place de « parcours d’excellence » au sein de ces établissements, et c’est là un bel aveu : l’excellence n’est pas pour tous les élèves, elle est réservée à certains.
Derrière l’argument de l’attractivité, ne s’agit-il pas surtout d’afficher une forme de « protection » pour les enfants de classes moyennes qui n’ont pas pu s’enfuir – sur la base d’une ségrégation interne à l’établissement ?
Un objectif formellement louable, donc, mais des mesures qui restent engluées dans la doxa libérale : « exfiltrer les plus méritants » / « protéger ceux qui n’ont pas pu partir ». Est-ce vraiment ainsi qu’on construit une école socialement plus juste ?
Romain Gény