Les principaux et principales de collège ont reçu en début de semaine, un courrier de la part de Mme le Recteur les informant que des moyens seraient mobilisés pour les enseignants volontaires, prêts à renoncer à une partie de leurs congés de printemps pour s’engager dans une remise à niveau d’élèves repérés afin de viser l’obtention du DNB.
L’intention peut, à première vue, sembler louable… Aider, remédier, assurer la réussite de tous : n’est-ce pas le cœur de notre métier ?
Et pourtant, il faut au préalable rappeler quelques évidences :
– horaires disciplinaires réduits avec la réforme du collège
– travail en groupes, très aléatoire puisque lié à l’ « autonomie des établissements » et servant le plus souvent à éviter des suppressions de postes
– effectifs en hausse dans les collèges , qui paient une part importante des suppressions de postes de la rentrée 2018
Bref, des conditions d’enseignement qui ne cessent de se dégrader en collège, ce qui pénalise le plus fortement les élèves déjà les plus fragilisés.
Et pourtant, il faut aussi enfoncer quelques clous trivialement concrets :
– Est-il sérieux de penser qu’un dispositif efficace puisse être mis en place en moins de deux semaines ?
– Est-il sérieux de penser que familles et élèves n’attendent que ce signal pour répondre présents alors même que nombre de nos élèves décomptent les jours qui les séparent des vacances d’été ?
– Est-il sérieux de penser que c’est par une « remédiation « de 5 fois 3 heures que seront compensés tous les manques accumulés depuis des mois voire des années…
Les expérimentations du même ordre se sont depuis plusieurs années soldées par des échecs retentissants. Que l’on songe à feu les cours de remise à nouveau en anglais préconisés pendant les vacances scolaires du temps de X. Darcos et L .Ferry…Que l’on songe aux cours de remise à niveau du primaire…dont l’efficacité est plus que questionnée… Que l’on songe enfin aux « écoles ouvertes » en Education Prioritaire…
Récemment, un rapport du CNESCO (http://www.cnesco.fr/fr/inegalites-sociales/fabrique-des-inegalites-a-lecole/suivi-individualise/) soulignait à la fois :
– l’inefficacité des stages de remise à niveau ("illusoire d’attendre d’un si petit nombre d’heures de cours un rattrapage du niveau attendu")
– la faible efficacité des "dispositifs de suivi individualisé en dehors ou sur le temps scolaire" qui s’additionnent sans cohérence et à la marge des heures de cours : "les heures d’enseignement associées à ces dispositifs s’avèrent trop faibles pour impacter significativement les apprentissages des élèves en difficultés."
Quel but alors à ce dispositif ?
– Dédouaner l’Éducation Nationale des conséquences de ses choix politiques et budgétaires ?
– Contribuer au fonctionnaires-bashing particulièrement en vogue ces derniers temps ?
– Renvoyer la responsabilité de l’échec au DNB aux familles et aux personnels ?
– Suggérer les premières pistes de profil des fonctionnaires méritants voulus par CAP 2022 ?
Ces « cours de remise à niveau Brevet » ne sont finalement rien d’autre qu’une déclinaison supplémentaire des nouvelles techniques de management public. Alors décidément, trop c’est trop !
Monsieur le Ministre, madame le Recteur, c’est de moyens pendant l’année scolaire –pas en dehors- qu’ont besoin enseignants, non-enseignants et élèves. Ce sont ces moyens que vous devriez accorder à tous les établissements si la réussite de tous les élèves était vraiment au cœur des préoccupations.