bilan de la CAPA
La CAPA d’accession à l’agrégation par liste d’aptitude s’est déroulée ce 20 mai en distanciel. Les commissaires paritaires du SNES-FSU y ont défendu les critères qui respectent à la fois la note de service (analyse de l’ensemble du parcours de carrière) mais aussi ceux qui doivent permettre d’optimiser les chances de promotion pour les collègues de l’académie en CAPN, parité, âge…
Cette année, nos interventions se sont parfois heurtées aux choix des corps d’inspection ou des représentants des universités qui ont préféré des logiques de mérites très subjectives quitte à proposer des collègues jeunes qui auront peu de chance d’être promus en CAPN où le critère d’âge a été pourtant déterminant ces dernières années. Cela a été pour nous l’occasion de rappeler, fidèles à nos mandats, que le « mérite » ne se calculait pas seulement par le rayonnement auprès de l’inspection mais d’abord par l’activité pédagogique dans les classes devant les élèves. Nos interventions ont tout de même permis de repêcher quelques candidatures ou de procéder à des modifications de rang (15 modifications sur la liste des 96 proposés à la CAPN).
Dans ces conditions, nous nous sommes abstenus lors du vote final, contrairement aux autres organisations représentées qui ont validé les choix de l’administration. Cette dégradation du dialogue paritaire nous semble d’autant plus inquiétante que l’an prochain, suite à l’adoption par le gouvernement de la loi de modernisation de la fonction publique, les représentants du personnel n’auront plus de regard sur ces opérations.
Déclaration FSU pour la CAPA des agrégés – Liste d’aptitude 2020
Madame le Recteur, Mesdames, Messieurs,
Nous avons eu l’occasion de nous exprimer longuement dans d’autres instances sur la crise sanitaire en cours et sur la manière dont elle est gérée par notre Ministère, aussi nous ne reviendrons pas sur ces questions qui nous préoccupent pourtant au premier chef en cette période.
Nous allons donc nous concentrer aujourd’hui sur l’examen des candidatures proposées par notre académie à la Liste d’Aptitude pour l’accès au corps des agrégés. Cette année, 1016 collègues postulent contre 964 l’an passé et cette augmentation traduit certainement un besoin de reconnaissance qui n’est pas assouvi par ailleurs. Malheureusement, le nombre de propositions restera sensiblement le même que l’an passé et l’académie ne remontera au Ministère donc, cette année, qu’un peu moins de 10% des collègues qui candidatent.
L’an passé, lors de cette déclaration, nous avions attiré l’attention sur les questions de parité et les arbitrages de la CAPA avaient permis que, dans certaines disciplines comme les Lettres Modernes, le nombre de candidatures féminines soient au moins en proportion du nombre de collègues femmes dans cette discipline. Cette année, vous comptez remonter 49 candidatures féminines pour 511 postulantes contre 46 candidatures masculines pour 505 postulants, les équilibres globaux sont donc respectés.
Cette année, lors de nos échanges en groupe de travail au mois de mars, nous sommes intervenus à plusieurs reprises pour émettre des réserves sur vos propositions de candidats relativement « jeunes ». En comparant les données actuelles à celles de l’an passé, notre diagnostic s’est confirmé : en 2019, vous proposiez 41 candidats de plus de 55 ans contre seulement 30 cette année pour un nombre quasi identique de postulants. L’an passé, 12.5% des collègues de plus de 55 ans étaient proposés, cette année ce sera 9.2%, c’est un recul important. Pire, si l’on considère l’ensemble des candidatures (1016), 95 sont proposées, soit 9,3%, c’est un taux légèrement meilleur que pour celui des plus de 55 ans ; autrement dit, le facteur âge est en passe de devenir pénalisant pour être proposé à la liste d’attitude quand on a plus de 55 ans. Cette dégradation profite aux collègues de 45 à 49 ans (+ 4 proposés) et aux collègues âgés de 40 à 44 ans (+ 4 proposés). Ces constats appellent deux remarques. Premièrement, nous l’avons signalé au cas par cas en groupe de travail, si l’on regarde l’historique de chaque discipline, le critère d’âge est souvent un facteur important de promotion en CAPN. En présentant des candidatures trop jeunes comme en allemand, en anglais, en EPS, en Lettres Classiques ou en SVT, l’académie prend le risque de « gâcher » des chances de promotions en CAPN. Par ailleurs, cette évolution est un mauvais signal envoyé à la profession mais il ne nous étonne pas tout à fait. Il est dans l’air du temps. La réforme des retraites, suspendue pour l’heure, prévoyait justement le brouillage de la notion d’âge dans le calcul du montant des pensions : d’une certaine manière, vous renvoyez les collègues à la même incertitude sur leur déroulement de carrière en amoindrissant le poids du critère objectif de l’âge. Bien évidemment, cet affaiblissement du critère d’âge sera justifié par le « mérite » des collègues proposés. Nous n’avons aucun problème à constater que les collègues jeunes qui sont proposés sont sûrement très méritants voire excellents. Mais voyez-vous, les débats se sont multipliés à la faveur de la crise sanitaire pour relativiser cette notion de « mérite ». Certains se sont aperçus qu’une aide-soignante était peut-être plus méritante qu’un trader. Alors interrogeons-nous également, que recouvre cette notion ? S’agit-il du mérite de collègues brillants, qui « rayonnent » dans leur discipline, auprès des équipes d’inspection, dans les jurys ou les commissions de programme ? Ceux-là assurément sont peu nombreux. Ou s’agit-il du mérite de collègues qui, tout au long de leur carrière, auront su se renouveler dans leur pratique pédagogique pour mobiliser leurs élèves dans les apprentissages, en passant bien souvent sous les radars de l’inspection ? Ceux-là sont nombreux, bien plus que le nombre de possibilités de promotion sur liste d’aptitude. Entendons-nous bien, nous ne faisons de procès d’intention à personne, le glissement que nous constatons, n’est sûrement pas un changement de cap délibéré et « politique » mais il est le résultat des mille et un petits arbitrages opérés par les corps d’inspection pour sélectionner un ou une candidate dans ce contexte où la moulinette oblige à opérer des choix cornéliens. Il faut alors s’élever au-dessus des logiques qui ont présidé à ces choix, pour avoir une vue d’ensemble du processus à l’œuvre à l’échelle « macro » : ces mille et un petits arbitrages auront abouti à faire bouger sensiblement le curseur entre le critère d’âge et celui du mérite. Nous ne pensons pas que ce soit une bonne évolution et c’est pourquoi nous souhaitons que le critère d’âge reste une boussole pour nos travaux.
Cette année, pour la dernière fois, nous interviendrons en commission paritaire pour vous alerter et alerter la profession sur cette dérive mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? L’an prochain, l’administration gérera seule cette perspective d’évolution de carrière que représente la liste d’aptitude. Tout pouvoir mérite son contre-pouvoir, sinon il s’expose au risque de la démesure, c’est une vieille leçon de sagesse démocratique. Nous ne doutons pas que nos remarques pourront être prises en compte lors de cette séance de travail mais nous espérons toujours également que le gouvernement reviendra sur son funeste projet de « modernisation de la Fonction Publique » qui est l’autre nom de graves régressions.
Nous tenons enfin à remercier les services pour la préparation de cette CAPA ainsi que pour les échanges lors du groupe de travail.