29 novembre 2020

Dossiers

Situation des personnels vulnérables et « enseignement à distance » : mise au point

S’appuyant sur un message émanant de la rectrice d’académie, certains chefs établissements expliquent aux collègues enseignant.e.s vulnérables qu’ils ou elles sont tenues d’assurer une sorte de « service d’enseignement à distance » qui imposerait d’organiser des visioconférences pour leurs élèves restés dans l’établissement, et placés sous la surveillance d’un « adulte » (AED, enseignant.e.s, ...).

Une mise au point s’impose, étayée par les textes qui régissent nos missions et le fonctionnement des établissements de second degré.

1) L’enseignement à distance, statutairement et réglementairement, n’existe pas
Le décret statutaire qui régit nos missions distingue clairement :

 la mission d’enseignement, exercée « dans un établissement public d’enseignement du second degré », mission principale exercée devant élèves, et matérialisée par la VS (ventilation de service) et une répartition de service (l’emploi du temps).
Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré
- les « missions liées au service d’enseignement » dont certaines peuvent être exercées en établissement (conseils de classe, conseils d’enseignement), alors que d’autres relèvent du travail « en lien » direct avec le service d’enseignement, comme « l’aide et le suivi du travail personnel des élèves » et leur évaluation

Par conséquent, si le service d’enseignement devant élève ne peut être assuré (professeurs vulnérables à l’isolement, ou cas-contact à l’isolement),
 les collègues qui ont sollicité de travailler à distance ne peuvent être statutairement tenus qu’à assurer les missions liées que l’isolement leur permet d’exercer, comme « l’aide et le suivi du travail personnel des élèves ». Le recours à un dispositif numérique comme la visioconférence, y compris pour des élèves « surveilllés » en établissement, ne peut donc constituer une obligation de service liée à leur emploi du temps habituel : elle relève de la liberté pédagogique de chaque enseignant.e dans le cadre des « missions liées ».

Rappelons que le renseignement du cahier de texte numérique, document juridiquement opposable, suffit à rendre compte de son activité professionnelle, pour les collègues à l’isolement, comme pour tous les autres : aucun « plan » ou « bilan de continuité pédagogique » n’est à remettre au chef de service.

2) Le « télétravail », pour les professeurs des collèges et des lycées, n’existe pas.
Le télétravail dans la fonction publique est une forme d’organisation du travail régit scrupuleusement par un décret, qui implique volontariat, moyens matériels, protection, dialogue formalisé, etc.
Cette organisation ne s’applique pas aux personnels travaillant dans un EPLE, et notamment aux enseignant.e.s. : le télétravail est donc un abus de langage dangereux, qui laisse entendre que les professeurs du 2d degré pourraient voir leurs missions en établissement totalement dématérialisées, et notamment le service d’enseignement.
D’ailleurs, la prime d’équipement informatique de 150 E promise pour mai 2021, largement insuffisante, a au moins pour mérite de rappeler que les collègues sont contraint.e.s de s’équiper sur leurs deniers personnels : toute injonction hiérarchique visant à « piloter » le travail dans la sphère privée est donc bien nulle et non avenue.

Il faut donc parler de « travail à distance » plutôt que de « télétravail », ce qui a laisse à l’appréciation des personnels le choix des modalités de suivi à distance de leurs élèves, avec le souci de ne pas creuser davantage les inégalités scolaires.

D’ailleurs, le message de la rectrice de Lille parle bien de la « possibilité » d’un « enseignement à distance », « si les élèves sont accueillis ». En aucun cas le placement des collègues vulnérables en travail à distance ne peut donc être conditionné à la mise en place de ce dispositif ... qui finalement permet à l’institution de laisser croire que la continuité du service public d’Education est assurée.