MANIF CONTRE LA REFORME
SAMEDI 10 OCTOBRE 2015

Entre 8000 et 20 000 manifestants selon les sources : probablement autour de 15000.

Il y avait là surtout des profs, rassemblés par les Intersyndicales SNES, SNALC et FO (pour celles que j’ai pu voir de mes yeux… nous étions en fin de cortège).

Dans le cortège, des habitués des manifs mais aussi bcp de gens qui n’ont pas l’habitude de manifester. Très peu de parents en revanche.

Dans le défilé, au milieu des bannières intersyndicales, beaucoup de créativité : des déguisements, des mises en scènes (des gladiateurs, des romains en toges, des profs enveloppés dans le drapeau allemand…) et des slogans percutants :
 « Touche pas à ma langue » ( avec une grosse langue aux couleurs de l’Allemagne)
 « Arrêter d’étudier le latin et le grec réduit le risque d’attraper le virus de la culture »
 « Je suis un EPI – Phénomène : je suis prof d’allemand »
 « On ne veut pas d’épis mais du blé … »
 « Ave Najat, morituri te salutant… »
 « Tous égaux, tous illettrés… »
 « Najat m’a tuer… »

Des refrains aussi :
« Naja , si tu savais, ta réforme, ta réforme, Najat si tu savais, ta réforme où on s’la met ? Aucu, aucu, Aucune hésitation ! »
« Non , non, non à la réforme bidon, oui, oui, oui au choix de l’ambition ! »
« Parents, Parents , c’est l’avenir de vos enfants qui est en jeu ! »
« Les parents avec nous… Paris avec nous ! »

Lors de cette journée, dans le train, dans le métro, dans le cortège, beaucoup de rencontres avec des profs venus de notre région et d’ailleurs.

Quelques extraits de discussions pour se faire une idée des inquiétudes sur le terrain.
(Je les ai classées par thème par souci de clarté. Elles ne traitent pas tous les sujets : elles sont juste le reflet de rencontres)

L’Allemand (collègue de Grande-Synthe)
« Moi je vais perdre 3 h l’an prochain, puis encore 3 heures l’année d’après et encore 3 h... Tous les collègues d’allemand sont dans la même situation... Je ne sais pas trop ce que je vais devenir… On ne nous a parlé de rien, au rectorat. Ils n’ont même pas anticipé ! Pourtant ce sont des centaines de profs qu’il va falloir recycler. C’est quand même incroyable quand on ne parle que du couple franco-allemand ! »

Langues anciennes
« Le latin, c’est quand même la 3e langue enseignée en France ! » criait un cortège avec à sa tête un gladiateur »
« 2 classes de 5e latinistes à 30 à Hazebrouck depuis des années. L’an dernier, on m’a demandé de réduire à une seule classe : c’est quand même un comble ! J’ai refusé et on m’a écouté… mais ce n’est qu’un sursis. » confiait une prof de lettres classiques dans le train. »
« Dans notre collège de 700 élèves, nous avons 3 classes de latinistes cette année en 5e, 2 en 4e et 2 en 3e et aussi une classe de grec », expliquait une prof de lettres classiques de Malo les bains. »
« Le latin, cela marche bien sur Dunkerque et pourtant nous n’avons pas une population particulièrement élitiste ! »

Une autre collègue, rencontrée dans le métro, s’alarmait :
« Alors comme cela, la réforme pour le latin cela commence l’an prochain …
 Bah oui !
 Donc mes latinistes de 4e n’auront plus que 2 h de latin …
 Bah oui… à condition qu’il y ait un EPI langue ancienne dans ton collège, donc que des collègues acceptent de donner des heures pour cet EPI ; que le recteur ait confirmé l’octroi de 2h45 par classe (la fameuse marge) ; que le chef d’établissement n’ait pas à cœur de privilégier les dédoublements en SVT et techno ( doublement qui sont supprimés) et qui peuvent être pris sur cette marge… si toutes ces conditions sont réunie , tu pourras espérer faire du latin… mais pour un an …. car tout sera remis en jeu l’année d’après… »

Espagnol (Dunkerque)
« L’introduction de la LV2 en 5e à raison de 2h30 est une aberration. On sait qu’on a besoin au minimum de 3 à 4 h d’exposition par semaine pour une nouvelle langue. On va perdre notre temps ! Sans compter les difficultés des gamins qui ont déjà du mal à apprendre l’anglais … »

Les Voyages (Grande-Synthe/ Malo)
« Chez nous à Malo, tous les voyages sont suspendus : il y a le problème du financement de la part des accompagnateurs et la fin des subventions du conseil départemental (anciennement général) dont les finances sont catastrophiques. »
« Nous, à Grande-Synthe, on a obtenu l’aide en CA de la FCPE qui a accepté de donner une participation pour les élèves mais aussi les accompagnateurs . » (Il s’agissait d’un déplacement dans la région)
« C’est un grand retour en arrière… on va devoir créer des projets avec rien… mais que peut-on obtenir avec rien ? » (rien ???? )
« Pourtant c’est quand même inscrit dans les textes que l’apprentissage d’une langue prend tout son sens avec la découverte du pays. Pour nous, avec nos publics défavorisés sur le littoral, c’est capital pour donner du sens à l’enseignement et créer des enjeux »

L’AP (prof de lettres classiques dans un lycée de Strasbourg)
« La réforme du lycée a tout désorganisé. L’AP a été un vrai problème. Au début, nous avons voulu appliquer les textes : chaque collègue de français récupérait des groupes d’élèves venus de plusieurs classes. Cela changeait chaque trimestre environ. Cela a été une catastrophe car on ne pouvait rien faire sur un trimestre et les élèves ne prenaient pas au sérieux le prof qui assurait l’AP le considérant comme un prof de passage. Alors, on a contourné les textes : désormais dans notre établissement (petit lycée de 400 élèves), chaque prof de lettres prend ses élèves en AP et propose un cours disciplinaire . Il ya bien une collègue du SGEN qui vient vérifier et nous rappeler à l’ordre de temps en temps (« Ce n’est pas l’esprit de la réforme !!!! ») mais de ttes façons, on n’est pas inspecté la dessus. ! »

Cette collègue venue de Strasbourg pour soutenir les profs de collège s’étonnait que le gouvernement ait lancé sa réforme du collège sans même faire le bilan de celle du lycée. Elle rappelait que si la réforme du collège est une idée de la gauche, celle du lycée est un cadeau de la droite… et pour elle cela allait être sacrément compliqué de voter aux régionales et aux présidentielles !

Présentation de la réforme et contestation (Manières, près de Cambrai, prof d’espagnol et de lettres classiques)
« Nous, on est intervenus lors de la réunion plénière sur la réforme. Il y avait un inspecteur pour assister le principal dans sa présentation (Tiens ce n’est pas sans rappeler une certaine réunion du 5 octobre…) La réunion a duré 3 heures . Nous avons bien senti qu’il y avait plein de zones d’ombre sur l’organisation de l’AP et des EPI. Lorsque nous avons voulu les souligner, notre chef nous a dit « Si vous n’êtes pas contents, vous pouvez toujours démissionner ! » Gloups …

Les Segpa (expérience à Gravelines, récit du prof d’espagnol)

« Nous, on s’est battus pour le maintien de la SEGPA. On a obtenu l’aide de la Gauche juste avant les élections. Pour eux, c’était un baroud contre la politique de Sarkozy et puis quand F Holland a été élu, cela a été fini… on a juste obtenu le maintien de la 3e Segpa pour un an.
  Et ils sont où maintenant les élèves de Segpa ?
  Bah ! répartis dans ttes les classes de collège… c’est le principe de l’inclusion…
  Cela se passe comment ?
  Pas très bien malgré les PPRE et les PASTA à rallonge. Il ya des pb de discipline et cette inclusion déstabilise certaines classes.
  Et les profs de Segpa que sont ils devenus ?
  Bcp sont retournés dans le primaire (Rased). Ils travaillent comme instits spécialisés. »

Les Parents (synthèse de discussions dans le train au retour)
« Il n’y avait pas beaucoup de parents.
 C’est vrai. Toutes les affiches étaient faites par des profs. Pas de banderoles de la FCPE ou de la PEEP… En tout cas , on ne les a pas vues…
 C’est quand même dommage….mais en fait, ils ne sont pas vraiment au courant.
 Pourtant il y a de plus en plus de dissidences dans les fédérations de parents. La FCPE Paris, pour des raisons politiques maintient son soutien, mais en province cela commence à grogner.
 Ce qui est incroyable c’est que le gouvernement a finalement peu communiqué sur le contenu de la réforme, sur le bouleversement total du système . Beaucoup de parents ne savent pas que les horaires disciplinaires vont être mangés par les EPI. La suppression de la bilangue, des sections euros, la disparition du latin tout cela a fait le buzz mais pas les EPI et l’AP… D’ailleurs dans les journaux télévisés , on ne parle pas de cela !
 C’est vrai qu’il ya un vrai travail d’information à faire. Nous à Grande-Synthe, on l’a fait. On a organisé des cours en plein air d’allemand, de latin …On a tracté à la sortie du collège et même devant les écoles primaires. On a proposé une réunion où l’on a eu 5 parents…
 Il y aura forcément un gagnant et ce sera le Privé. Juste avant la manif, les responsables de l’enseignement privé ont annoncé qu’il maintiendrait le latin, l’allemand en bilangue, les sections euros. Ils vont réinterpréter les EPI. De ttes façons, ils ont une marge de manœuvre qu’on n’a pas.
 Cela va être la fuite des bons élèves vers le privé. On va donc se retrouver dans une situation pire que celle de départ. Il faudra payer pour assurer un enseignement de qualité à ses enfants … merci qui ? »

(Il y a eu également des échanges sur la suppression de la DP3, sur les matières scientifiques appelées à se regrouper, sur la suppression de l’accompagnement éducatif (en petits gpes) qui va être avantageusement remplacé par l’AP (à 30 ) ….)