2 décembre 2015

Actualité

L’Éducation Nationale et microsoft signent un « partenariat »

Délégation de service public ?

La réforme du collège dont l’immense majorité de la profession ne veut pas est maintenant « sponsorisée » : en plus de supprimer des postes et des heures de cours, elle livre un pan entier du service public d’éducation à une entreprise. Le tout en ignorant toutes les solutions libres et gratuites qui existent et ont déjà fait leurs preuves. On comprend mieux pourquoi le gouvernement a supprimé les propositions plébiscitées lors de la consultation sur la loi numérique autour des logiciels libres alors que c’était une des principales demandes. Il ne resterait plus par exemple, dans le contexte de la COP21, qu’à confier la défense de l’environnement à total ou engie….

Un partenariat sur mesure...

L’opération est présentée comme un partenariat d’une durée de 18 mois renforçant « l’accompagnement » proposé par Microsoft dans le cadre du Plan Numérique à l’École. Elle prévoit « utilement » :

1.L’instauration d’une « charte de confiance » avec les éditeurs afin de protéger la vie privée et les données personnelles. Il n’y aurait en effet pas besoin de charte avec les éditeurs du logiciel libre puisqu’on en connaît les codes sources et le fonctionnement.

2.Une formation à l’utilisation des produits microsoft. C’est vrai leur ergonomie complexe et contreproductive est considérée comme un frein à l’achat. L’EN vient au secours de l’entreprise en mal de ventes.

3.Une expérimentation pour l’apprentissage du code à l’école. Comment des logiciels aussi fermés pourraient-ils aider à l’apprentissage du développement informatique alors qu’il est impossible de comprendre comment ils sont conçus ?

Ne reste plus qu’à réactualiser l’un de ces nombreux « guides d’informations » auprès des élèves qui mettent en avant les dispositions répressives du droit d’auteur (la copie est illégale !) mais qui oublient superbement de mentionner qu’il existe des logiciels libres. Une métaphore pourrait être celle des professeurs mis dans la position du dealer, qui offrent un produit à des plus jeunes sans, pour certains, réaliser qu’ils créent des victimes.

Adieu promesses, règlements, cochon, couvée…

Pourtant, dès 2001, la circulaire n°2001-053 du 28-3-2001 expliquait :

Le principe de neutralité du service public de l’éducation nationale, rappelé notamment par l’article L. 511-2 du code de l’éducation, s’entend aussi de la neutralité commerciale comme le souligne un jugement, aux termes duquel l’organisation d’un concours d’orthographe dans une école par un établissement bancaire contrevenait au principe de neutralité scolaire (2).
Les établissements scolaires, qui sont des lieux spécifiques de diffusion du savoir, doivent respecter le principe de la neutralité commerciale du service public de l’éducation et y soumettre leurs relations avec les entreprises.
(2)Tribunal administratif de Caen, 30 novembre 1993, Jean-Pierre Ponthus.

Pourtant, la circulaire de Jean-Marc Ayrault du 19 septembre 2012 préconisait la préférence pour le logiciel libre. Elle est apparemment déjà obsolète)...

Pourtant, l’une des promesses électorales écrites de François Hollande déclarait : « Je souhaite que les logiciels libres de qualité, utilisant des formats ouverts normalisés, soient enseignés à l’école comme à l’université, et que leur usage soit privilégié dans les concours et examens, tant pour la bureautique que pour les usages scientifiques, techniques ou documentaires. L’enseignement de l’informatique devrait également privilégier les langages de programmation faisant l’objet d’une standardisation internationale, et les systèmes d’exploitation s’appuyant sur des standards ouverts. »

Orientation politique

Au moins, la ligne du gouvernement est cohérente. Lutte contre le chômage, contre le déficit budgétaire, contre les inégalité et promotion du savoir et de la culture. Mais...
Nul n’est besoin de créer/soutenir des emplois locaux dans le numérique avec des entreprises innovantes. « L’intérêt national » dicte de choisir des sociétés comme Microsoft qui ne paieront pas un centime d’impôt en France.

Nul n’est besoin de garantir l’égalité d’accès au logiciel pour ceux qui ne souhaiteront pas accepter les CGU ou qui ne peuvent/veulent pas payer une licence Microsoft.
Ainsi, l’ERT (European round table), à travers un référentiel de compétences, inspire les programmes scolaires, le ministre du tourisme fixe le calendrier scolaire et le ministre de l’éducation « vend » le Plan Numérique à l’École… à Microsoft.

Une phrase, obsolète elle aussi depuis la suppression du latin au collège, résonne : « Cui bono ? ».
Oui, mais tout cela est gratuit, clament déjà ceux qui confondent liberté et porte-monnaie. La réponse est simple : si une entreprise propose un produit gratuit et non libre, c’est qu’à terme, c’est l’utilisateur qui est le produit.