Monsieur le Recteur,
Cette année encore, l’académie est la plus touchée par les suppressions de postes avec un total de 777 suppressions sans compter la baisse du nombre de stagiaires à la rentrée. Nous avons été attentifs aux comptes- rendus des journaux sur votre déclaration de presse : vous avez effectivement annoncé le chiffre donné par le CTPM sur les suppressions mais en vous limitant aux suppressions de postes d’enseignants dans le second degré. Nous préférons cette présentation des faits à celle de l’an dernier où l’on avait artificiellement séparé les suppressions dites démographiques et celles liées à la suppression des décharges. Nous devons d’ailleurs constater que les moyens qui avaient été rendus en heures supplémentaires n’ont pas été rétablis cette année.
Si la situation est particulièrement critique dans le second degré, nous souhaitons commencer par les autres catégories. Nous voulons d’abord vous faire part de notre inquiétude liée aux 55 emplois supprimés pour les administratifs. La ventilation annoncée laisse penser que ce sont les établissements qui seront les plus touchés avec la suppression de 29 Equivalent-Temps-Plein, les services académiques continuant de payer leur lot des années précédentes avec les difficultés que cela a entraînées pour les personnels (26 ETP supprimés cette année qui s’ajoutent aux 24 de l’année dernière). Dans les établissements la situation est pourtant extrêmement tendue et les personnels surchargés de travail. Les suppressions de postes sont donc parfaitement arbitraires et injustifiées et vont s’ajouter, cette année, au non renouvellement d’un contrat aidé sur deux dans les EPLE : les conséquences sont inévitables en termes d’aggravation des conditions de travail et perturberont la vie des établissements, notamment pour les personnels et les élèves.
Dans le premier degré, alors que notre académie est en situation déficitaire faute d’un recrutement suffisant, il n’y a aucune création de poste. Dans ce contexte d’austérité, le Ministre de l’Education Nationale annonce de manière provocante la possibilité offerte aux municipalités d’assurer un accueil parallèle les jours de grève, financés par les retraits sur salaire des grévistes, alors que l’Etat n’assure plus un service public de qualité, que ce soit pour la formation initiale et continue des maîtres, pour le remplacement des personnels absents, pour l’aide à apporter aux élèves qui rencontrent des difficultés, ou pour scolariser tous les enfants de deux et trois ans dont les familles le demandent. Vous allez, de plus, nous annoncer des rééquilibrages sévères entre le Nord et le Pas de Calais, alors qu’il faudrait créer des postes pour répondre aux besoins de la région.
En ce qui concerne le second degré, il nous faut constater une fois de plus le décalage entre une logique budgétaire et une logique pédagogique. Nous notons d’ailleurs que M. Antoine lors de l’entrevue que nous avons eue à l’occasion de la présentation des voeux de M. le président de la république, a bien maladroitement tenté de nous imputer sa propre démarche puisqu’il nous a reproché de n’avoir qu’une logique comptable ! Nous lui avons donc rappelé que si les caisses sont vides comme l’a rappelé le président, ce n’est pas à cause des fonctionnaires, mais bien en raison des choix budgétaires qui privent le service public des moyens d’un bon fonctionnement.
Ces 777 suppressions de postes s’ajoutent aux 3500 de la législature précédente. Ils s’inscrivent dans un programme drastique de suppressions massives pour l’actuelle législature avec 80 000 suppressions dans l’éducation nationale. On est donc en dessous des deux objectifs fixés par la feuille de route gouvernementale et vous comprendrez que nous sommes bien décidés à empêcher ce que nous considérons comme un mauvais coup porté à la région et plus généralement au droit des jeunes à une formation de haut niveau.
Vous avez évoqué la question des heures supplémentaires. Pour vous, il suffirait donc que chacun prenne quelques heures pour régler le problème ! Il nous semble que c’est méconnaître la situation réelle des établissements. En effet, il va falloir proposer des heures à des collègues qui auront vu des postes supprimés dans leurs établissements et qui auront l’impression de prendre le travail de leurs voisins. C’est méconnaître également la réalité du travail enseignant. Le ministre d’ailleurs n’a pas eu la même circonspection en tenant des propos qui ont beaucoup choqué sur le « travailler plus pour gagner plus ». Certains collègues ont d’ailleurs ironisé en nous disant que le ministre en était probablement resté à la situation qui était la sienne quand il enseignait, quand le nombre de classes par enseignant était bien inférieur à aujourd’hui.
Nous savons tous que les conséquences de ces suppressions iront bien au-delà : ce sont les enseignements qui sont menacés, soit en termes d’horaires nationaux, soit par le biais des options. Sont également menacés les dispositifs de remédiations, en collège comme en lycée. Nous souhaitons avoir des informations à ce sujet lors de ce CTP. Nous souhaitons également savoir si des projets de restructuration de la carte des établissements sont en cours.
Nous sommes opposés à l’imposition d’heures supplémentaires. Pendant des années nous avons demandé et obtenu la diminution du taux des heures supplémentaires dans les établissements et l’implantation de postes fixes dans les établissements. Depuis l’an dernier le mouvement s’est inversé. Aujourd’hui les heures supplémentaires ne sont plus un moyen d’adapter à la marge les services, mais bien un mode de gestion que l’on veut généraliser. Il faudra nous expliquer en quoi cela améliorera le service rendu aux élèves ! Cette masse énorme d’heures pourra difficilement être absorbée par les établissements. L’expérience de l’accompagnement éducatif est d’ailleurs très éclairante de ce point de vue.
Nous rappelons une fois de plus que ce n’est pas de cette façon que l’on améliorera le pouvoir d’achat des fonctionnaires et que nous réclamons non pas une revalorisation au mérite mais une augmentation générale du point d’indice. Nous voudrions connaître la façon dont vous allez répartir ces heures et plus précisément la ventilation entre HSA et HSE.
Nous souhaitons également avoir des informations :
– Sur la carte scolaire et en particulier sur la façon dont les moyens seront attribués dans les établissements où l’on a constaté des diminutions d’effectifs à la rentrée 2007 et dans ceux qui le seront à la rentrée 2008.
– Sur l’expérimentation du bac professionnel en 3 ans dans l’académie. Lors de l’audience du 18 décembre, vous avez annoncé l’implantation de nouvelles formations, ce qui nous paraît contradictoire avec les annonces du ministre. Nous souhaitons qu’un bilan soit fait des expérimentations en cours avant que ne soient implantées de nouvelles préparations.
– Sur l’accompagnement éducatif, y a t-il des suppressions horaires envisagées pour financer leur généralisation l’an prochain ?
Le 24 janvier, les personnels seront en grève à l’appel de l’intersyndicale non seulement sur les questions salariales mais aussi sur les questions d’emploi, de recrutement et pour l’avenir du système éducatif. Si nous avons boycotté la précédente instance, c’est parce que nous voulons que le message soit clairement transmis au ministère. La situation qui est faite à l’académie est inadmissible et nous demandons la restitution des moyens dont on annonce la suppression.
Pour finir nous tenons à dénoncer solennellement les propos tenus par le président de la république au Vatican le 20 décembre 2007 ainsi que dans son discours de Riyad le 14 janvier 2008. Ils traduisent en effet une conception de la laïcité que nous dénonçons qui est une insulte pour tous les fonctionnaires ; il a en effet, par exemple, déclaré : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». L’honneur de l’école laïque républicaine a été de vouloir substituer à la direction de conscience la liberté de chaque individu de se forger sa propre opinion et de faire ses propres choix. Il est regrettable que cette différence ne soit pas perçue par le premier magistrat du pays. Ces déclarations vont également à l’encontre de l’esprit de tolérance que veut diffuser l’école dans un pays qui depuis longtemps refusait de ne se reconnaître que dans une seule de ses composantes, fût-elle religieuse.