Fernand MATTON est décédé le 4 novembre, dans sa 90e année. Il était le vice doyen de la section académique des retraités et a, jusqu’en 2008, participé régulièrement aux A.G. annuelles de notre section où ses interventions étaient toujours très pertinentes et très écoutées. En 2009, il n’avait pu, pour des raisons de santé, participer aux travaux de notre A.G. et au nom de la section, je lui avais envoyé un petit mot pour témoigner toute notre sympathie en lui souhaitant un bon rétablissement ; il nous avait remerciés de cette attention en ajoutant qu’il espérait pouvoir être présent lors de prochaines assemblées : ce ne fut malheureusement pas possible.
Mais l’histoire de Fernand ne se résume pas à son appartenance à la section des retraités : durant toute sa vie professionnelle, il fut un militant très impliqué dans la vie de son syndicat. Il entre dans l’Education Nationale comme instituteur intérimaire en 1939 à Wattrelos, et s’engage en 1941 dans le réseau de résistance Libération Nord. En 1944, ayant obtenu une licence de mathématiques, il passe dans le second degré au collège moderne de Roubaix. En 1946, il est nommé professeur certifié au collège moderne d’Armentières où il reste jusqu’en 1953. Mais entre temps, Fernand était entré (en 1949) à la Commission Administrative de la section académique du SNES. En 1953, il obtient sa mutation pour le lycée Faidherbe de Lille et succéde à Marie Joseph MOEGLIN comme secrétaire de la section académique de Lille. Il occupe cette responsabilité jusqu’en 1961, date à laquelle, pour des raisons familiales, il passe le relais à Cyprien BOCQUET ; la même année, il quitte le Lycée Faidherbe pour le lycée Pasteur qui venait d’ouvrir ses portes et où il exerce jusqu’à sa retraite en 1981.
Mais ses responsabilités syndicales ne se limitèrent pas au niveau académique. En 1953, il est élu membre de la CA nationale du SNES où il siége jusqu’en 1967 : il était l’un des militants provinciaux de la CA nationale et du Bureau National du SNES les plus connus et les plus avertis des problèmes syndicaux, notamment dans le domaine corporatif. En 1975, il devient commissaire paritaire national des agrégés.
Au niveau académique, il fut membre de toutes les instances consultatives. Très rigoureux dans la réflexion et la méthode, attaché à la défense des personnels et à la qualité de l’enseignement laïque, pondéré mais très ferme, il bénéficiait d’une autorité incontestable autant auprès des personnels que de l’Administration.
Jusqu’à sa retraite, il resta membre de la CA du S3 sur la liste d’Union puis il milita à la section des retraités.
Plus de 60 années d’engagement au sein du SNES, une vie durant laquelle le militantisme fut toujours présent : ton souvenir restera associé à l’histoire du S3. Dans le dernier courrier où tu nous remerciais, tu terminais par ces propos : « Très heureux encore d’avoir laissé une trace, avec toute mon amitié ». La trace n’est pas près de s’effacer ! Merci, Fernand, pour tout ce que tu nous as apporté.
Yves PANNEQUIN
Fernand est parti en retraite en 1981, et son nom n’est donc pas connu de la majorité des syndiqués du snes qui pour la plupart ont commencé à enseigner plus tard. Nombreux pourtant sont ceux qui se souviennent de lui et de ses interventions. C’était un « corpo » ce qui signifie qu’il avait une connaissance fine et précise du métier et qu’il intervenait pour le défendre et le promouvoir. . Corpo n’a pas le sens étroit qu’on lui prête souvent et souvent à juste titre.. Pour des militants comme lui, défense du métier, de la carrière et du statut prennent tout leur sens dans la conception qu’ils en ont du service public d’éducation. Quand on préserve les intérêts matériels d’un enseignant, sa formation, son salaire, sa carrière, on préserve et on garantit la qualité de tout le système éducatif
Mais la mémoire n’est pas seulement celle des individus, c’est aussi l’empreinte que laisse une activité militante sur une organisation. Fernand a été un passeur de valeurs et aujourd’hui nous sommes fiers de pouvoir dire ce que nous devons à nos anciens et en particulier à Fernand Matton.
Avec Moeglin, Bocquet, ils ont bâti le SNES académique, avec ses particularités et ses exigences. Citons le refus des compromis tièdes et le souci de bâtir solidement par le débat et la confrontation des idées, la conviction que l’action doit se construire à la base et de façon majoritaire, ou que la défense du métier doit s’inscrire dans un projet plus global de transformation de la société.
Cette rigueur a marqué ces fondateurs du snes et ils l’ont transmise à d’autres qui ont su faire vivre ces valeurs : Pour ne citer que quelques responsables académiques et comme ils le faisaient eux même, les Dubus, Bacquaert, Brunel, Denis, les Hurbain, Rigault, Pirot, Roger, Bouchard, Mary, Demouveau, dans leur pratique quotidienne, ont montré qu’ ’ils ont été leurs fidèles héritiers. Et si j’arrête la liste à des camarades tous retraités aujourd’hui, je peux affirmer, comme passeur de témoin, que ces valeurs sont toujours celles du SNES.
Fernand a apporté sa touche personnelle et il faut le souligner. A la naissance du SNES moderne, il était « autonome », c’est-à-dire qu’il refusait de s’inscrire dans les courants. Souvent autonomie rime avec suspicion et repli sur soi. Pour Fernand, le souci de l’indépendance, ne devait pas freiner l’action et son efficacité. Toute sa carrière, montre qu’il a fait des choix courageux, d’alliance avec d’autres tendances même s’il lui fallait pour cela rompre avec ceux qui n’osaient s’engager. En 1967 il a pesé pour donner au snes académique une majorité solide. Et voilà pourquoi aujourd’hui encore, c’est une liste d’union qui est à la tête du snes de lille, même si certains s’interrogent sur la signification de cet intitulé. Comment s’étonner d’ailleurs de ce courage, de la part de quelqu’un qui durant la guerre a fait le choix de la Résistance ?
Fernand a été secrétaire académique, secrétaire académique adjoint, membre de la CA. Mais il a également eu des responsabilités nationales importantes. Actif dans la direction du mouvement syndical mais aussi sur le terrain dans les différents établissements qu’il a fréquenté de Dunkerque à Lille, il avait la reconnaissance de ses pairs mais aussi de l’administration qui a su mettre de côté son militantisme exigeant pour reconnaître ses mérites professionnels en le nommant agrégé. Il m’est difficile de parler de ses qualités pédagogiques par ignorance, mais le souvenir de la clarté de son expression, de la rigueur de ses raisonnements, de son calme qui n’empêchait pas une grande fermeté me font penser qu’il avait toutes les qualités que l’on peut attendre d’un professeur.
Au nom du S3 de Lille mais aussi de la direction nationale et tout particulièrement de Frédérique Rolet, secrétaire générale du SNES qui l’a connu quand elle avait des responsabilités académiques, je remercie Fernand Matton de tout ce qu’il a fait pour notre syndicat et pour l’Education Nationale. Et aujourd’hui, tous nous nous associons à sa famille pour pleurer sa perte.