Le referendum sur la constitution européenne revêt une importance capitale ; cette constitution, si elle est adoptée, s’imposera à la France et aux autres Etats membres comme un texte juridique supérieur à la constitution de la République française. L’article 6 précise « la constitution européenne et le droit européen...priment le droit des Etats membres ». Que deviennent nos conquêtes sociales, nos services publics, notre droit du travail, notre statut de fonctionnaires... s’ils sont en contradiction avec le droit européen ? Une constitution sert à définir la souveraineté et à répartir les pouvoirs. C’est la souveraineté du peuple qui est en jeu, c’est-à-dire l’essentiel en matière politique. La constitution de la République française fixe d’emblée « la souveraineté du peuple appartient à la nation » (article 3 ). Elle définit ensuite les règles du jeu politique (et non pas le contenu des politiques). La constitution européenne ne définit pas la souveraineté : le mot « peuple » n’apparaît même pas ; oser parler de « peuple européen » leur aura paru incongru ou dangereux.
La constitution européenne fixe aussi l’orientation de la politique économique qu’il convient de suivre et qui se résume dans « la concurrence libre et non faussée ». Est-ce cela une constitution démocratique ? Comment peut-on penser qu’une « politique de gauche » ou tout au moins « progressiste » puisse encore être possible. Une fois cette constitution adoptée, et quels que soient les dirigeants européens qui seront désignés pour gouverner, seule une politique libérale sera menée. La constitution européenne précise (article 5) que les Etats membres « s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril les réalisations des objectifs de l’Union ». Donc même au niveau national, nous perdrons toute possibilité d’une politique alternative ! Quant à l’Europe sociale dont on nous rebat les oreilles depuis plus de vingt ans, quand toutes les portes étroites du progrès social sont verrouillées les unes après les autres, il est plus que temps d’ouvrir les yeux ! La Charte des droits fondamentaux, de part l’absence de caractère obligatoire pour les Etats membres et de part l’indigence de son contenu, inférieur à celui de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ne peut être considérée comme un progrès social.
Enfin, pour que cette constitution européenne soit modifiée, il faudrait l’unanimité des 25 pays (bientôt 27, 30...). Si rien n’est jamais irréversible, la situation semblerait mal engagée si le oui l’emportait. Face à un tel enjeu, il importe que nous engagions toutes nos forces dans la bataille pour que le NON l’emporte.
3 janvier 2005