Socle commun et compétences
Le socle commun est présenté dans la loi Fillon comme une réponse à l’exigence de réussite de tous les élèves . Sa présentation se drape de fausse technicité et de complexité pour , au détour d’ une véritable « usine à gaz » terminologique, faire croire qu’il y a eu une véritable réflexion pédagogique à son origine. En réalité, ce texte n’est qu’une émanation des politiques européennes et qu’un copié collé des politiques éducatives mise en place dans les pays anglo-saxons. Il véhicule une vision réductrice de la culture, ignore les processus d’apprentissage et ne donne pas les moyens de faire réussir ceux qui sont en difficulté.
Une mise en place complexe pour un objectif bien peu ambitieux
Beaucoup de notions se mêlent dans la mise en place du socle commun : le socle de connaissances et de compétences, les livrets d’évaluation, les huit piliers, les grilles de référence, les deux cercles concentriques, et enfin les programmes. L’administration ne peut que renvoyer constamment au site Eduscol quand il y a demande d’explication.
a-Le socle est composé des sept piliers conçus comme « une combinaison de connaissances fondamentales, de capacités à les mettre en œuvre et d’attitudes indispensable ». Il doit être acquis de la maternelle à la fin de la scolarité obligatoire. Chaque compétence requiert la contribution de plusieurs disciplines.
1-maîtrise de la langue
2-pratique d’une langue étrangère
3-compétences de base en mathématique et culture scientifique et technologique
4-maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication
5-culture humaniste
6-compétences sociales et civiques
7-autonomie et initiative
b-Les livrets d’évaluation : deux livrets sont actuellement en expérimentation . Ils doivent être remplis en supplément des notes. L’administration a choisi les bassins d’Hasbrouck et de St Omer, comme dans les autres académies, les choix ne se sont pas portés dans les établissements où les militants étaient nombreux.
c-Les grilles de référence : elles sont une déclinaison d’indications pour l’évaluation des éléments du socle, pilier par pilier.
d-Les programmes sont définis selon « deux cercles concentriques », celui du socle et celui des programmes, qui s’adressent « à tous les élèves qui poursuivront leurs études jusqu’au baccalauréat et au-delà »
Analyse du socle et des compétences.
Le cadre européen et les exemples anglo-saxon
La plupart des notions utilisées dans la mise en place du socle commun trouvent leur traduction dans les réformes mises en place aux USA et en Grande Bretagne dans les années 70-80 ( basics skills = les fondamentaux, testing= culture de l’évaluation, school choice= déréglementation de la carte scolaire, performance indicator=indicateurs de performance , etc). On connaît l’influence de ces pays au sein de l’OCDE dont les experts en évaluation nourrissent les politiques européennes.
Ainsi les huit piliers correspondent-ils aux huit compétences qui viennent d’être élaborées pour « constituer un cadre pour l’action communautaire dans le contexte du programme de travail Education et Formation 2010 ».
1-Communication dans la langue maternelle
2-Communication dans une langue étrangère
3-Culture mathématique et compétence de base en sciences et technologies
4-Culture numérique
5-Apprendre à apprendre
6-Compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques
7-Esprit d’entreprise
8-Sensibilité culturelle
Ces compétences prétendent « identifier et définir les compétences clés nécessaires à l’épanouissement personnel, la cohésion sociale et l’employabilité dans la société de la connaissance » et sont requises pour la formation « de la main d’œuvre » pour qui elles « constituent un facteur essentiel d’innovation, de productivité et de compétitivité, et contribuent à la motivation et la satisfaction professionnelle des travailleurs, ainsi qu’à la qualité du travail »
On le voit, nous sommes très loin des objectifs de formation d’un citoyen cultivé, libre et critique. Il s’agit de former une main d’œuvre employable, productive et compétitive, et qui accepte au passage l’ordre établit.
Un vision étriquée de la culture et erronée de l’apprentissage
La loi prétend que les compétences doivent être transversales aux disciplines or lors des rencontres avec les responsables des différents « piliers » les camarades du S4 ont pu constater que chaque groupe était dans l’ignorance de ce que faisait le groupe d’à côté. Les groupes d’experts ne travaillent pas ensemble, pourtant la mise en pratique de la construction des compétences au-delà des disciplines ne peut se faire qu’avec une concertation des équipes ou bien avec des enseignants polyvalents. D’autant que pour l’instant il n’y a aucune réflexion sur le lien entre compétences et démarches spécifiques aux disciplines. Il y a de forts risques que les IPR demandent, comme cela a été le cas pour l’expérimentation de l’évaluation du palier A2 en LV, aux équipes de se débrouiller toutes seules.
L’expérimentation concernant les sciences expérimentales préfigure le regroupement du pilier 3 , c’est la polyvalence pour les collègues des disciplines scientifiques C’est encore une fois l’occasion pour nous de pointer, comme nous l’avons fait depuis le début, la cohérence de la politique Fillon- Robien- Darkos : on parle de bivalence aussi dans le Livre vert !
La conception du savoir et de l’apprentissage découpé en micro compétences qui s’empileraient les unes après les autres montre une médiocrité affligeante de la réflexion et des connaissances pédagogiques des experts sollicités. Très peu de savoirs se construisent dans la linéarité, pire, décomposer les savoirs en micro-tâches c’est conforter la posture de certains élèves en difficulté qui ne parviennent pas à dégager le rapport existant entre le cours qui vient d’avoir lieu et la réalisation d’exercices ou d’activités qui suivent. Ils ne viennent pas apprendre, se transformer, ils viennent réaliser les exercices que le professeurs leurs demande de réaliser. Aucune activité humaine ne fonctionne sur la base des compétences : certes une infirmière doit savoir faire des pansements et des piqûres mais lorsqu’elle se trouve devant un malade en phase terminale ce ne sont pas ces compétences là qui font qu’elle saura quoi lui dire ou comment réagir.
Le socle est présenté comme un moyen de faire réussir tous les élèves, mais rien n’est proposé pour les élèves en difficulté si ce n’est le PPRE . Au contraire la définition des deux cercles concentriques montre bien que certains élèves , à qui on garanti soi-disant le socle, vont être invités à s’arrêter là tandis que les privilégiés pourront continuer leurs études. Il s’agit bien là d’un tri social car on sait que les élèves en difficultés appartiennent aux classes sociales défavorisées, accompagné d’un nivellement par le bas alors même que l’élévation des qualifications est un enjeu essentiel pour le pays puisqu’on va avoir besoin de beaucoup de jeunes formés à bac+2 et qu’il y a de moins en moins de métiers non qualifiés.
Un pilotage inquiétant du système éducatif.
On voit pointer toute une idéologie sur l’obligation de résultats, inspiré du management et des politiques anglo-saxonnes déjà citées. En même temps se renforce la contractualisation des moyens en fonction des résultats. Dans ce contexte, la l’évaluation objective est fortement compromise.
Propositions du SNES
Le SNES porte un autre projet pour l’école fondé sur une autre vision de l’homme et de la société, un projet traversé à la fois par l’objectif du perfectionnement de l’espèce humaine et de l’égalité. Pour transformer la massification de l’école en réelle démocratisation, il ne s’agit pas de dire que les élèves en difficulté ne « rentrent pas dans le moule », il s’agit de casser le moule. Si nous revendiquons la scolarité obligatoire à 18 ans c’est parce que l’école ne sert pas uniquement à apprendre un métier et c’est parce que la formation d’hommes et de femmes s’articule sur la formation du sujet et de sa relation aux autres et au monde. Pour nous la culture est indispensable non seulement pour survivre mais aussi pour vivre. Dans notre projet de culture commune, l’élève est tout d’abord un sujet : il a une pensée, un inconscient, un corps, un imaginaire, des pulsions, des origines . Chaque élève doit pouvoir inclure dans sa propre démarche de vie les savoirs acquis à l’école. Même si les missions de l’école dépassent très largement la question de l’insertion professionnelle, la question du travail ne saurait être mise de côté. Donner sa vrai valeur au travail c’est permettre à tout le monde d’exister dans son travail comme sujet, de pouvoir s’y épanouir : la qualification professionnelle ne saurait être réductible à une somme de compétences.