Monsieur le Recteur,
Comme vous le savez, le SNES-FSU – avec une très grande majorité de la profession – est en lutte depuis presque un an contre une réforme du collège qui ne correspond en rien à l’idée qu’il promeut d’un second degré ambitieux pour tous les élèves en termes d’accès à des savoirs exigeants, et démocratique dans sa capacité notamment à susciter l’adhésion de toute la communauté éducative.
Cette idée d’un système éducatif ambitieux pour tous repose prioritairement sur des personnels enseignants concepteurs de leur métier et de leur discipline. Or, la mise en œuvre de l’arrêté du 19 mai 2015 remet sciemment en cause cette qualification disciplinaire, générant la colère, mais aussi la souffrance de nos collègues confrontés à une réforme qui sape leur travail au quotidien et leur identité professionnelle.
Les professeurs d’allemand de l’Académie de Lille, en particulier, sont confrontés à la déconstruction de sections bilangues et euros qu’ils ont patiemment mises en place, au fil des années, gagnant la confiance des familles, démontrant leur dévouement et leur engagement viscéral en faveur d’une discipline finalement menacée de disparition avec cette réforme.
Depuis des mois, à l’approche des conseils d’administration, la pression sur leurs épaules n’a cessé d’augmenter, et avec elle l’angoisse de devoir faire un complément de service, voire de perdre son poste. Dans toutes les instances (CT, CAELVE, CDEN, CHS) le SNES a dénoncé le peu de cas dont il est fait de la plupart des certifiés et agrégés d’allemand dans les propositions de TRMD, où les heures d’autonomie – pourtant surabondées pour la rentrée 2016 –, sont mobilisées pour financer les projets imposés dans le cadre de la réforme (EPI), plutôt que pour améliorer les conditions d’apprentissage des langues vivantes dans les collèges.
Nos interpellations sur ce point n’ont d’ailleurs reçu aucune réponse, pas plus que notre questionnement sur l’éventuelle intervention dans le premier degré.
Ces professeurs nous alertent aujourd’hui sur les demandes pressantes des Inspections Académiques, visant à leur faire accepter, dans la précipitation, un engagement à travailler dans le premier degré, sans aucune précision sur les attendus pédagogiques (contenus et niveaux d’enseignement), les lieux et le cadre réglementaire de ces interventions et sans que leur soit assuré le bénéfice de la réduction de leur maxima de service prévue à l’article 4 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014. En outre, on demande à nos collègues d’intervenir sur des écoles qui ne sont pas celles du secteur de recrutement de l’établissement où ils sont titulaires, leur suggérant en somme de conforter une réforme qui a supprimé les options qu’ils faisaient vivre dans leur établissement, sans aucun espoir de les voir recréer ! S’agit-il de se préoccuper de ces collègues ou de les humilier ?
Le SNES-FSU dénonce une initiative décidée dans le plus grand secret- puisqu’a minima- aucune information n’a été donnée dans les instances sus-citées et a fortiori que les représentants des personnels n’ont pas été consultés - dans l’urgence et au mépris de personnels pour lesquels il s’agit d’un nouveau coup porté par l’Institution à leur professionnalité. Initiative qui ne vise qu’à masquer les conséquences désastreuses sur le plan humain d’une réforme vantée comme pédagogique et participative, au moins par la Ministre et par les organisations minoritaires qui la cautionnent.
La section académique du SNES -FSU s’adresse donc solennellement à vous, M. le Recteur, afin que toutes les mesures soient prises, par vos services et dans les établissements, pour que cessent les pressions anxiogènes et déstabilisantes sur le service des professeurs d’allemand à la rentrée 2016 : face à une situation qu’ils subissent, l’affectation dans le cadre de l’établissement et dans le respect de leur qualification disciplinaire doit être la priorité, quand bien même leur maxima de service ne serait pas atteint. Le cas échéant, le SNES-FSU demande à ce qu’ils soient affectés uniquement dans le cadre d’un complément de service qui leur ferait bénéficier de l’heure de décharge statutaire, et indiquant expressément la quotité de service et l’établissement de destination. Dans cet ordre d’idées, la proposition d’effectuer éventuellement une partie du service d’enseignement dans l’enseignement primaire doit s’accompagner, selon nous, de la garantie que l’enseignant bénéficiera de la réduction de son maxima de service prévue à l’article 4 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014, quand bien même la ou les écoles supports seraient situées sur le territoire de la commune de l’établissement d’affectation. Ceci afin de tenir compte du caractère particulier de la situation faite à ces collègues.
Enfin, conformément au discours officiel qui vante les mérites d’un cycle 3 censé assurer toutes les continuités pédagogiques, cette proposition ne devrait concerner que les écoles du secteur de recrutement de l’établissement d’affectation.
Dans l’attente, nous en appelons à vous pour faire cesser les pratiques inacceptables de certains chefs d’établissement, qui consistent à placer nos collègues d’allemand en situation de demandeurs, alors qu’ils sont victimes d’une réforme qui menace leurs pratiques et leur existence même, en leur faisant signer un document, véritable blanc-seing, qui n’émane pas des services académiques.